La “pâques” du métropolite Emilianos
Ces derniers mois, la maladie et la mort ont encore visité notre
communauté, et pour la première fois un de ses membres. Notre cher
métropolite + Emilianos (Timiadis) est passé de ce monde au Père le 22
février dans une maison de repos du diocèse d'Aigion, en Grèce: il
aurait fêté 92 ans le 10 mars 2008.
Déjà gravement atteint par une tumeur au foie et au pancréas, qui avait poussé ses médecins à lui déconseiller vivement de se remettre en voyage, il avait toutefois voulu revenir à Bose en décembre 2007, pour y faire un dernier séjour et prendre ainsi congé de notre communauté. Il était reparti à la fin du mois de janvier, pour se préparer au pas final dans ses terres orthodoxes, aux côtés de son fils spirituel, le métropolite +Ambroise de Kalavrita.
Élu évêque de Meloa en 1959, puis métropolite de Calabre en 1965, et de Silyvria en 1977, représentant permanent du Patriarcat œcuménique auprès du Conseil œcuménique des Églises à Genève durant vingt-cinq ans (1959-1984), observateur à la quatrième session du Concile Vatican II (1965), mais aussi membre de commissions de dialogue et enseignant dans diverses facultés de théologie orthodoxes, catholiques et protestantes, le métropolite Emilianos a été un des pionniers du dialogue œcuménique et un infatigable ouvrier de l'unité de l'Église: l'œcuménisme pour lui, comme pour le patriarche Athénagoras dont il était le digne fils spirituel, n'a jamais été un travail de spécialistes, mais un élément organique de son être chrétien, prêtre et évêque. Il considérait la division des chrétiens comme un scandale permanent, une contradiction radicale à l'évangile et à la volonté du Christ: tout cela constituait pour lui une véritable cause de souffrance, surtout lorsqu'il constatait que dans les Églises cette situation était acceptée par la majorité des chrétiens de façon inerte et résignée. « Savoir dialoguer – disait-il – est un art que tous ne possèdent pas… Le vrai dialogue consiste à donner et à recevoir. Il ne suffit pas de savoir parler, il faut aussi savoir écouter. On ne peut pas ignorer le prochain. Ce serait contraire à la loi de la charité. »
Depuis octobre 1995 il avait décidé de vivre à Bose, comme un frère de la communauté, lui qui avait connu fr. Enzo dès 1968. Ce choix signifiait pour lui, comme il nous l'a révélé, de « continuer à témoigner qu'il est possible que des catholiques, des orthodoxes et des protestants vivent ensemble. Cela a représenté ma recherche et ma préoccupation durant toute ma vie… Il existe une communion profonde déjà atteinte: c'est celle que l'on vit là où l'on partage une même vie. » Même face à ce qu'il ne semblait pas comprendre dans un premier temps – rappelait fr. Enzo lors de l'homélie de l'eucharistie célébrée en sa mémoire – « il a été un homme qui cherchait toujours à voir et à écouter, et qui était donc capable de changer sees idées à trafvaers un discernement docle au Seigneur, aidé en cela par une intelligence ouverte et humble, autant que rare. Depuis qu'il a choisi de vivre avec nous comme un frère, un moine parmi les moines, de fait il a été pour nous un père, grâce à ses paroles riches de sagesse et de spiritualité, durant les repas et les rencontres personnelles, mais surtout par son exemple de vie monastique concrète, par sa prière, sa rigueur et sa liberté. »
Reconnaissants au Seigneur pour le don de la vie et de la présence parmi nous de cet « homme de Dieu », nous garderons en particulier dans notre mémoire les paroles de congé qu'à la veille de son départ de Bose, le dimanche 27 janvier, il a voulu nous livrer, comme un bref testament spirituel, en nous exhortant à conserver la charité et la vigilance dans notre vie personnelle et communautaire.
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Nous voulons également rappeler ici un autre grand témoin et « tisseur » de communion entre les Églises, qui nous a quittés durant cette même période: le pasteur et théologien réformé Lukas Vischer, lui aussi observateur au Concile Vatican II, qui a collaboré avec notre communauté ces dernières années à un projet en vue d'une commémoration commune des témoins de la foi, impliquant aussi le département « Foi et Constitution » du Conseil œcuménique des Églises, qu'il avait dirigé durant des années.