Le chrétien dans la Lettre aux Philippiens
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f) « Notre patrie est dans les cieux »
Cette relation avec le Seigneur, recherchée avec ardeur, les chrétiens doivent la vivre sur la terre, dans l'histoire, avec les autres hommes. Leur vie dans la compagnie des hommes, cette vie qui est à la fois don et responsabilité, est toutefois marquée, en même temps, par l'horizon dernier de la parousie, du jour du Seigneur, de la conscience que « notre patrie (tò políteuma) est dans les cieux » (Ph 3,20). Les chrétiens sont citoyens de ce monde, mais il existe pour eux une citoyenneté plus décisive: leur appartenance à la communauté des croyants, des saints, de ceux qui sont déjà sauvés dans les cieux. C'est de cette manière que Paul affirme que les chrétiens sont dans le monde, mais qu'ils n'appartiennent pas au monde (voir Jn 17,11-16), qu'ils ne peuvent avoir aucune patrie si ce n'est le Royaume de Dieu. Pour cette raison « ils attendent ardemment des cieux, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ » (voir Ph 3,20). Par conséquent leur style de vie également est dans les cieux: sur la terre ils vivent une condition de « pèlerinage » (1P 1,1.17: paroikía), et restent toujours « étrangers et pèlerins » (1P 2,11).
Il ne s'agit pas d'une invitation à la l'évasion hors de l'histoire, au désengagement à l'égard des hommes et de la cité des hommes: les chrétiens vivent en effet dans la compagnie des hommes, à leurs côtés, dans la solidarité avec eux, mais ils rompent avec la mondanité, ils ne se conforment pas à l'idéologie dominante, ils ne se soumettent pas aux idoles de ce monde. La meilleure illustration de ce style de vie, de cette vie fidèle à la terre, et tout à la fois enracinée dans le ciel, nous est fournie par un passage célèbre de l'écrit À Diognète. Ce texte du IIe siècle décrit les chrétiens de façon très pacifique et positive, en évitant de les présenter comme retranchés sur des positions défensives à l'encontre du monde et sans parler d'eux avec des accents apologétiques visant à déceler quelque ennemi extérieur. Voici donc ce texte:
Les chrétiens ne se distinguent pas des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire … mais ils montrent pourtant les lois extraordinaires et paradoxales de leur vie sociale … Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers (pároikoi). Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers (xénoi). Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés … Ils mettent en commun la table, mais non le lit (À Diognète 5,1-2.4-7).
Oui, les chrétiens sont des citoyens loyaux, capable de nourrir et de recevoir de la sympathie de leur présence dans la société, mais ils sont en même temps capables de manifester une différence, que j'aime appeler « la différence chrétienne », précisément.