Lectio divina sur Mt 13,31-33.44-46


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1. Le grain de sénevé et le levain

[Jésus] proposa [à ses disciples] une autre parabole: « Le Royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu'un homme a pris et semé dans son champ. C'est bien la plus petite de toutes les graines, mais, quand il a poussé, c'est la plus grande des plantes potagères, qui devient même un arbre, au point que les oiseaux du ciel viennent s'abriter dans ses branches. »
Il leur dit une autre parabole: « Le Royaume des cieux est semblable à du levain qu'une femme a pris et enfoui dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que le tout ait levé » (Mt 13,31-33).

Dans la première parabole, on nous raconte l'action d'un homme qui sème en terre un grain de sénevé: il s'agit d'une graine de moutarde qui, lorsqu'elle grandit, se développe de manière irrésistible et peut même devenir un arbre sur lequel les oiseaux viennent se poser. Ici toutefois, le Royaume des cieux n'est pas comparé à la graine en elle-même, mais à son évolution, aux vicissitudes de cette graine: toute l'attention revient au développement extraordinaire de la semence. C'est la graine la plus petite qui existe: elle est d'une petitesse proverbiale; mais une fois qu'elle est déposée en terre, qu'elle est semée, elle devient un véritable arbre. Oui, l'attention se concentre sur le moment initial et sur le moment final: il faut donc saisir le message de cette parabole dans l'opposition entre « le plus petit » et « le plus grand ».

Pourquoi cela se produit-il? Parce que la graine possède une force, une puissance vitale. Dans les paraboles précédentes également – celle concernant la semence tombée dans différents types de terrains (voir Mt 13,1-9) et celle à propos du bon grain qui, en germant, s'est retrouvé mêlé à de l'ivraie (voir Mt 13,24-30) – l'accent tombait aussi sur la puissance de la graine qu'est la parole de Dieu. Car « vivante et efficace (energhés) est la parole de Dieu » (He 4,12), « l'Évangile est une force (dýnamis) de Dieu » (Rm 1,16). Voici alors la graine, la semence: c'est la parole de Dieu. Elle n'est de loin pas inerte, mais petite et toutefois pleine de force et de vie. Quantitativement, elle est peu visible, mais qualitativement, elle est extrêmement puissante!

Le but de la parabole de Jésus ne consiste dès lors pas à consoler les croyants qui vivent un aujourd'hui décourageant, en leur assurant un avenir grandiose: non, le but est bien plutôt celui d'expliquer que l'aujourd'hui a un sens déjà positif, mais caché. Ce n'est pas l'arbre qui donne force à la semence, mais la semence qui, par sa propre force, se développe pour devenir un arbre! C'est ce qui se produit pour le Royaume des cieux: dans l'aujourd'hui des croyants, il apparaît toujours comme une réalité modeste, mais dans l'avenir, il sera manifesté à sa pleine mesure. Le disciple est appelé à considérer le contraste entre l'aujourd'hui et l'avenir, en comprenant également que l'avenir dépend précisément de la petitesse de l'aujourd'hui. Cette parabole est donc une révélation, elle lève le voile sur l'aventure du Royaume, et déclare que les critères de grandeur et d'apparence, ces critères mondains, n'ont pas à être appliqués à l'histoire du Royaume de Dieu. La force du Royaume ne se confond pas avec la fascination de la grandeur, qui peut prendre, suivant les cas, la forme du grand nombre, du prestige ou du pouvoir…

Mais la parabole constitue tout à la fois un avertissement; elle affirme: la petitesse n'est pas en contradiction avec la puissance véritable. Il suffit que l'on ait une foi pareille à un grain de sénevé pour déplacer une montagne (voir Mt 17,20); dans notre petitesse, « nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté » (1Jn 3,2). Il reste par ailleurs toujours vrai que la dimension extraordinaire de notre vie est cachée, comme « notre vie est cachée avec le Christ en Dieu » (voir Col 3,3)… Il faut avoir la foi: la parole de Dieu travaille en nous et elle est efficace sans que nous sachions comment (voir Mc 4,27)!

Et en parallèle, voici la deuxième parabole de Jésus, celle du levain qui fait monter toute la pâte. Dans les lettres de l'apôtre Paul, l'image du levain est prise dans un sens négatif (voir 1Co 5,6-8; Gal 5,6); mais ici elle est renversée, cette conception est retournée. Dès lors l'attention du disciple est saisie de manière plus efficace encore: même le bien est contagieux, et non seulement le mal.

Ainsi une femme met le levain, une petite quantité de levain, dans une grande masse de pâte (environ 40 kg de farine!). Plus encore: le texte nous dit que cette femme « a enfoui » le levain dans la pâte, pour souligner le fait que la présence du Royaume est cachée, qu'elle est voilée. Pourtant voici qu'apparaît la force insoupçonnée du levain: à nouveau, une toute petite réalité en produit une bien plus grande… Comme dans la parabole précédente, où l'accent était mis sur la petitesse de la semence, ici l'accent tombe sur le levain: c'est une petite chose, une réalité modeste, capable toutefois d'une grande transformation.

Et il en est bien ainsi: l'événement de Jésus était petit, voire inconnu des historiens de l'Empire; l'événement de la vie chrétienne compte pour peu de chose et la communauté chrétienne est infime dans la compagnie des hommes, mais sa capacité véritable, sa force sera révélée à la fin… Dès lors les chrétiens ne se laissent pas séduire par la grandeur, ils ne s'abattent pas face à leur petitesse: la force de l'Évangile ne peut se mesurer sur des critères mondains! Oui, comme l'affirme un splendide passage de l'écrit A Diognète, les chrétiens vivent dans le monde comme les autres hommes, mais ils sont l'âme du monde (voir V,1-2; VI,1): leur « différence chrétienne » est une bénédiction pour tous les hommes, même si elle n'est presque pas visible…